Les tours de l’ancienne abbaye Saint-Winoc de Bergues

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Bergues Les deux tours fin XIXe

Au sommet du Groenberg sur le site de l’ancienne abbaye bénédictine Saint-Winoc, se trouvent deux tours. L’une dite tour bleue ou carrée, autrefois posée sur le transept de l’église abbatiale, date du XIIe siècle. La deuxième est une construction plus récente. Elle remplace une tour dite tour blanche, datant du début du XIe siècle, qui s’est effrondrée le 9 mars 1812 à cause de sa vétusté.

En 1790, la jeune Assemblée Nationale en proie aux difficultés financières décide l’aliénation des biens de l’Eglise. L’abbaye Saint-Winoc devient bien national. La même année, les voeux monastiques sont supprimés actant la fin des établissements réguliers. Il faut cependant attendre le 18 juin 1791, après de vains efforts de la municipalité pour conserver ses religieux, que soit apposé les scellés sur les portes de l’abbaye. Les 25 moines sous la direction de l’abbé Benoit Van de Weghe quittent définitivement les lieux avec meubles et effets divers. Les tableaux sont déposés au collège. Les ventes du mobilier (chaires, autels et stalles) auront lieu quelques mois plus tard, du 7 au 17 janvier 1792.1

Les bâtiments reçoivent dès lors de nouvelles affectations. Le Directoire du département propose à la municipalité de s’y installer. Mais une fois vidée, l’abbaye est utilisée pour le logement des troupes de passage et l’engrangement de marchandises diverses. Elle sert également de « bibliothèque communale » conservant les nombreux manuscrits des anciens religieux. Les jardins sont loués. On construit également un moulin. En juillet 1794, un arrêté du représentant du peuple Florent Guyot ordonne la transformation des bâtiments en hôpital militaire. Deux ans plus tard, on pense y installer une Ecole Centrale. Finalement, le 22 janvier 1798, le domaine de l’ancienne abbaye d’une superficie de 3 hectares 47 ares 90 centiares est vendu à Jean-Baptiste Marescaux2 (1764-1842), négociant à Dunkerque. Les deux tours, conservées comme amer pour les marins, restent la propriété du ministère de la Marine. Si quelques travaux de restauration sont exécutés sur certains bâtiments par le nouveau propriétaire, les premières démolitions commencent rapidement. Les livres de la bibliothèques sont transférés à l’hôtel-de-ville.

Désormais la municipalité ne s’intéresse plus au sort de l’abbaye, intervenant uniquement pour refuser l’usage d’explosifs pour accélérer les démolitions, et faire part de son inquiétude sur l’état des deux tours : « le danger est si imminent, écrit le maire de l’époque Jacques Minart, que plusieurs familles quittent les maisons de ce quartier, par crainte d’accident ».

En mars 1813, Florent Cadet dit Degravier (1769-1842), négociant à Dunkerque, vend à la ville de Bergues les anciens terrains de l’abbaye, véritables champs de ruines jugés improductifs. La municipalité était justement à la recherche d’un emplacement qui pouvait servir en même temps à la formation d’un champ de manœuvres à l’usage de la troupe et de la garde nationale (Champs de Mars), et à l’établissement d’une promenade publique. M. Rault, architecte à Bergues, établit le plan. Avec l’aide de soldats et d’indigents de la ville, le terrain accidenté fut aplani, les végétations sauvages qui avaient poussé partout, arrachées. En 1816, on traça la grande allée circulaire, on sema les herbes et on planta les haies et les arbres. L’ancienne porte monumentale en marbre de l’abbaye fut déplacée à l’entrée de l’esplanade, rue des Annonciades. Ces gros travaux coûtèrent 12.995 francs. Sur l’emplacement de l’ancienne tour blanche éffondrée en 1812, on reconstruit en 1815 une nouvelle tour pointue octogonale dite Picke Torre. La tour bleue vit ses ouvertures lattérales bouchées. Sur chacun de ses côtés, on ajouta des contreforts afin de consolider l’édifice. En 1867, on coiffa son sommet d’un toit en ardoise disposant de petites lucarnes2.

A la toute fin du XIXe siècle, le ministère de la Marine, ne voyant plus l’utilité des tours de Bergues et hésitant à mener de lourds travaux de restauration, envisagea dans un premier temps de les détruire, puis devant les protestations des habitants, de les vendre. C’est finalement la municipalité dirigée par Léon Claeys qui en fit l’acquisition pour une somme dérisoire. La flèche de la tour pointue fut restaurée quelques années plus tard en 1905.

Les tours de l'ancienne abbaye de BerguesLes tours de l'ancienne abbaye de BerguesLa porte d'entrée de l'ancienne abbaye de BerguesAffiche annonçant la vente des tours de l'abbaye de Bergues

Notes

1. Le buffet d’orgues, les stalles et l’autel Saint Benoit se trouvent dans l’église de Quaedypre.
2. Jean-Baptiste Marescaux était un armateur-négociant établi à Dunkerque à la fin de l’Ancien Régime. Il acquit de nombreux biens nationaux durant la Révolution française dont le château de Saubruit à Salperwick (P.-d-.C.), ancienne demeure des moines de Saint-Bertin. Napoléon y demeura quelques jours en août 1804 lors du Camp de Boulogne. Marescaux sera élevé au titre de baron pour servir rendu à l’Empire. Il était marié à Elisabeth Brown, fille d’un banquier de Londres.
3. Le toit a été détruit lors des bombardements de 1940.

Bibliographie :

  • De Croocq Charles, Quelques poussières d’histoire locale, présenté par Robert Noote, 2016.
  • Abbé Louis Harrau, Histoire politique et religieuse de Bergues-Saint-Winoc, 1912.
  • Les derniers années de l’abbaye Saint-Winoc (1789-1814), Catalogue de l’exposition du musée municipal de Bergues, 20 juin – 31 août 1984.
- Publié le 23 novembre, 2025, modifié le 27 novembre 2025

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